What is darkness but lurking sun ? (Oliver)

Ses lèvres se détachèrent de celles de son amant dans cette petite ruelle déserte et peu éclairée à l'arrière de la boîte dans laquelle il bossait maintenant depuis plusieurs mois. Aujourd'hui, pas d'accident. Pas de remords. Pas de bruit sourd d'un corps lourd et froid tombant sur le bitume avec violence, Dorian avait réussi à se maîtriser et à ne ponctionner qu'une infime partie d'énergie. Il était fier de lui. S'il avait compris quelque chose c'est que plus il laissait passer de temps entre deux repas, plus il lui était difficile de résister à ses bas instincts. Non, ce qu'il lui fallait, c'était se nourrir une à deux fois tous les jours pour conserver toutes ses facultés et s'empêcher de commettre l’irréparable comme il l'avait déjà fais plusieurs fois depuis le réveil de son côté incube. Pour un demi sorcier qui se voulait bénéfique et qui souhaitait sauver la veuve et l'orphelin, il avait commis presque autant d'erreur que n'importe quel autre démon mais s'efforçait pourtant encore de rester dans le droit chemin malgré ses multiples dérives.

L'inconnu musclé tituba légèrement mais le jeune l'empêcha de tomber au sol en le retenant dans ses bras. Ce dernier se remettrait bien vite comme après une consommation excessive d'alcool. Quelques heures de repos lui suffirait à repartir, frais comme un gardon. Il le posa délicatement contre la benne à ordure, suffisamment caché des passants de l'artère principale alors qu'il tirait quelques bouffées de sa clope avant de rentrer par la porte arrière de l'établissement. Il repasserait par ici à la fin de son service pour le raccompagner chez lui mais pour l'heure, il avait encore du travail à l'intérieur. Un travail qui lui plaisait et dont il avait plus l'impression qu'il s'agissait d'un hobby. En plus de lui permettre de payer ses diverses factures, ce dernier lui assurait également une réserve sans fin de proies potentielles et ses pouvoirs de séduction lui fournissait également un atout considérable pour engranger des centaines de dollars de pourboires chaque soirs. Ça et la possibilité de boire à l’œil et rassasier son appétit sexuel.

Torse nu, l'hybride se faufila à travers les corps chauds et moites de la foule présente et il regagna l'arrière du comptoir du bar qu'il était chargé de tenir pendant encore une petite heure avant de prendre son service dans l'une des cages suspendues. Être considéré comme un objet ne l'avait jamais dérangé, c'était là son gagne-pain après tout et être regardé comme un bout de viande que tout le monde voulait sans jamais pouvoir y parvenir lui plaisait, il devait bien l'avouer.

« Dorian, un client t'a spécifiquement demandé. Il t'attends dans le carré vip, je te remplace au bar en attendant que t'aies terminé. » lui lança son collègue qui l'avait agrippé par le bras avant qu'il n'atteigne le bar. Sa réputation n'était plus à faire ici et il n'était pas rare que ce genre de situation arrive. Que voulez-vous, avec ses charmes surnaturels il était normal de le demander à la place d'un simple mortel même si à ce niveau là, les autres employés étaient tout aussi séduisants et attirants que lui.

Un sourire carnassier se dessina sur la bouche de se vieillard bedonnant et Dorian laissa échapper une grimace de dégoût en le voyant. Encore un vieux queutard. pensa t-il en commençant à se déhancher face à lui. Il laissa le vieux pervers le toucher durant tout le long du show et languissait de terminer cette séance qu'il considérait comme de la torture pure et dure tant ce gars le dégoûtait au plus haut point. Le gaillard grisonnant lui glissa plusieurs billets dans l'élastique de son boxer alors qu'il venait de laisser tomber son jean à contrecœur et lorsque la musique fut terminée, il s'empressa de ramasser ses vêtements pour sortir de la pièce encore dénudé. Il heurta dans la foulée un homme et tomba à la renverse, laissant tomber son pantalon et quelques dollars sur le sol. « Merde, vous pouvez pas reg... » son regard croisa les yeux couleur océan de l'inconnu face à lui à qui il lâcha finalement un large sourire tant il le trouva séduisant. « Oh, oubliez ça c'est ma faute. » termina t-il en se relevant.    

What is darkness but lurking sun ?

« Je ne comprends pas, Maximus. Un incube ? » Oliver avait prononcé le mot avec tellement de dédain qu’il aurait tout aussi bien pu avoir les lèvres couvertes de poison. Perché au sommet du Golden Gate Bridge, tout le corps de l’Être de lumière s’était tendu alors que son mentor lui annonçait sa nouvelle mission : protéger un dénommé Dorian Summers. « Un sorcier hybride, Oliver. Comme toi. » lui répondit le Fondateur d’une voix calme et paisible. Depuis qu’il était entré à leur service, Oliver avait tout fait pour le conseil des Anciens, y compris absorber une partie du Pouvoir des Trois, renonçant ainsi à tout semblant de calme dans sa vie devenue chaotique. Devoir, en plus de tout ça, jouer la nounou pour un putain d'incube, ça commençait à faire beaucoup. « Je n’ai pas de sang démoniaque dans les veines, moi » grogna-t-il entre ses dents. « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Oliver fixa le coucher de soleil, au loin, mâchoire crispée. Plus que les incubes et leurs mœurs dégoutantes, il détestait quand son mentor lui clouait le bec.

Quelques heures plus tard, il arpentait les ruelles sombres de San Francisco pour rejoindre le club dans lequel Dorian avait l’habitude de danser. Les informations qu’il avait pu récupérer sur son nouveau protégé étaient très sommaires, et sans l’avoir rencontré leur connexion psychique était encore trop faible pour être exploitée. A l’intérieur, tout paraissait… poisseux, si bien qu’Oliver prit soin d’éviter de toucher la moindre surface. Au bar, il attira l’attention de la serveuse et se pencha sur le comptoir pour se faire entendre par-dessus la musique. « Je cherche un certain Dorian. Tu sais où je peux le trouver ? » Elle lui répondit par un sourire carnassier. « Les infos sont pas gratuites par ici, chéri. » Oliver attrapa son porte-feuille d’un geste agacé, grognant « Maximus… » entre ses dents, et plaqua deux billets de vingt dollars contre le comptoir collant. « Il ne va pas tarder à danser, là-bas » dit-elle enfin en rangeant les billets contre sa poitrine.

Oliver se retourna pour observer l’endroit que la serveuse lui avait désigné. « Hé merde ». Des cages suspendues. Son protégé gagnait sa vie en dansant dans une putain de cage. Il ferma brièvement les yeux pour inspirer, se demandant pourquoi les Fondateurs le punissaient de la sorte. Il commanda un whisky et l’avala d’une traite puis, voyant que Dorian n’arrivait toujours pas après une dizaine de minutes, décida qu’il en avait assez d’attendre. Il localisa une porte vers l’arrière du club devant laquelle se tenait un vigile. Oliver fit mine d’approcher la table d’à côté et, avec une poussée télékinétique discrète, provoqua une légère bousculade à côté du vigile. La distraction fut amplement suffisante pour qu’il puisse se glisser à l’arrière sans encombre… et ne heurte de plein fouet un mec en boxer.

Alors que leurs yeux se croisaient pour la première fois, Oliver se trouva brièvement pétrifié et son cœur manqua un battement. C’était lui – il en était persuadé jusque dans le plus infime de ses atomes. « C’est donc toi, Dorian Summers… » Il lui tendit la main pour l’aider à se relever, faisant tout son possible pour ignorer son corps dénudé, le paquet de dollars répandu au sol, et la façon dont l'homme venait probablement de les gagner. « Viens par ici, faut qu’on parle. »

Sa main serra le bras de l’incube, qu’il entraina sans la moindre délicatesse dans la première pièce isolée qu’il trouva, claquant la porte dans leur dos. « Bon sang… » qu’il grogna en réalisant qu’il venait de les entrainer dans un salon privé. Dans l’ambiance feutrée des lumières rouges, une barre de métal habillait le centre de la pièce et faisait face à un vieux fauteuil tâché. Oliver prit une longue inspiration et se frotta les yeux, de plus en plus agacé et mal à l’aise. « Je m’appelle Oliver. J’suis ton… » Le mot resta coincé dans sa gorge, comme s’il allait l’écorcher. « Je suis ton Être de Lumière. » Sous les spots rougeâtres, le demi-être de lumière l’observa des pieds à la tête. Il peinait à croire que la personne qu’il avait face à lui, aussi attirante soit-elle, puisse être le nouveau symbole de la lutte entre les forces du Bien et du Mal. Mais c’était bien là le problème quand on trahissait l’Enfer – les dirigeants du monde souterrain n’appréciaient pas particulièrement que leurs sujets leur fausse compagnie. « T’es au courant que la Source a mis ta tête à prix ? » demanda-t-il finalement, de but en blanc.

Dorian se laissa agripper et traîner dans l'un des salons privés à l'écart de la foule, appréciant même le manque de délicatesse du brun qui lui faisait face. S'agissait-il d'un autre client ? Au moins cette fois-ci, il ne répugnerait pas à danser pour lui contrairement au précèdent qui était loin d'être attirant comme cet homme l'était. Il laissa échapper un léger ricanement en entendant qui était vraiment cet homme et les raisons de ce petit tête à tête mais son rire disparut rapidement en découvrant que sa tronche avait été mise à prix par la Source. Il ne s'agissait pas là d'un vulgaire démon comme il en avait l'habitude mais du roi de l'enfer en personne et cela n'avait rien de réjouissant pour le jeune qui n'avait déjà pas la vie la plus facile qui soit.

« Quoi ? Mais pourquoi ?! » répondit-il, incrédule. Bon d'accord il avait quelques morts de démons à son actif mais pas plus que n'importe quelle autre créature magique alors pourquoi lui ? « Moi qui croyais que tu voulais juste une petite danse. J'suis déçu. » Même dans cette situation qui était loin d'être réjouissante, il fallait que son côté incube et charmeur prenne le dessus sur le reste. Il savait très bien pourquoi. Il était à moitié démon et cette moitié là appartenait à l'enfer mais pourtant, Dorian avait quand même décidé de rester du bon côté de la barrière et tourner le dos à son héritage, si on pouvait appeler ça ainsi. C'était forcément la raison, le fait qu'il ait décliné la proposition de son père de le rejoindre il y a tant d'années et qu'il se soit mis en tête de chasser ses semblables avec le reste de la communauté bénéfique.

« C'est pour ça que j'ai besoin d'un être de lumière après tant d'années sans ? T'as dû faire quelque chose de travers pour que les Fondateurs décident de te confier ma charge. » Ne sachant pas si Oliver était au courant de sa véritable nature, il préféra ne rien dire à propos de ça. Lui qui pensait que les demi-démons n'avaient pas le droit à la protection d'un être de lumière, voilà encore une chose sur laquelle il s'était planté.

Son pantalon toujours à la main, il l'enfila et récupéra tous les billets à sa taille pour les fourrer dans ses poches, ne se souvenant même plus où il avait foutu son t-shirt. Une chose est sûr, il n'avait plus du tout la tête à travailler ce soir, cette nouvelle avait complètement cassé l'ambiance. « Écoutes, je te remercie d'être passé pour m'en informer, sincèrement, mais tu peux retourner vaquer à tes autres occupations. » Et par occupations, il voulait parler d'un autre protégé qui lui, aurait vraiment besoin d'aide. Il vivait seul depuis une dizaine d'années maintenant et avait toujours réussi à s'en sortir avec plus ou moins de succès, pas de raison que ça change aujourd'hui. « Il arrive des bricoles aux personnes qui font partie de ma vie alors fais toi une fleur et fuis pendant que tu le peux encore, j'arriverai à me débrouiller comme d'habitude, t'en fais pas pour moi. » Il n'y croyait pas un instant mais sa fierté le poussait à réagir ainsi même s'il doutait de faire le poids face aux sbires de la Source qui le traqueraient probablement jusqu'à ce qu'il soit mort. Ce qu'il lui fallait maintenant, c'était utiliser ses charmes surnaturels pour se monter une petite armée de minions qui le protégeraient. Pas sûr que ce soit l'idée du siècle de faire ça et de repousser son être de lumière au passage mais personne n'a dis que Dorian était le sorcier le plus futé de la portée.

What is darkness but lurking sun ?

Face à Oliver, l’incube sembla brièvement incrédule. Brièvement seulement, car son naturel démoniaque reprit le dessus quand il se plaignit de ne pas être dans le salon privé pour danser pour Oliver. Le sorcier esquissa un sourire malgré lui. « Ta pote la serveuse m’a déjà vidé le portefeuille. Désolé, y’a plus un billet à me pigeonner ce soir. » Il aurait voulu se montrer plus froid, plus incisif. Oliver ne parvenait pourtant pas à le quitter des yeux, petit sourire en coin. Saloperies de phéromones et de charme surnaturel – il fallait qu’il se reprenne. Il n’était pas assez bête pour se laisser berner par un incube, aussi séduisant ce dernier soit-il.

Il se força à faire quelques pas dans la pièce pour distraire son cerveau. Dorian s’étonnait que les Fondateurs lui assignent un être de lumière après tant d’années – une question qu’avait également posé Oliver et à laquelle ils avaient refusé de répondre. Rien n’était jamais simple, avec ces vieux sages. « Tu sais ce qu’on dit, les voies du Ciel sont impénétrables… Les Fondateurs ont apparemment décidé que tu étais devenu digne d’intérêt. Tu devrais t’en sentir flatté. Laisse-moi deviner… T’es le fils d’un sorcier célèbre ? L’héritier caché d’une longue lignée ? »

Quant à savoir pourquoi c’était spécifiquement Oliver qui avait hérité de cette affaire… Il haussa les épaules, cherchant ses mots. Ç’aurait été mentir que de dire qu’il ne s’était pas posé la même question. Mais il était Oliver Woodrow – un agent d’élite dévoué à la lutte contre le Mal, un pilier de la communauté magique de San Francisco, et un membre du pouvoir des trois. Tout bien considéré, il méritait une médaille, pas une punition. « Je suis l’un des meilleurs. Je ne commets pas d’erreur. » Peut-être était-ce précisément la raison pour laquelle c’était Oliver qui avait été assigné à Dorian ? Pour ce qu’il en savait, l’incube pouvait s’avérer être un vrai cas désespéré, que personne d’autre que lui n’aurait pu protéger. La pensée lui sembla étrangement réconfortante.

Faisant mine de continuer son tour de la petite pièce sombre, il se fustigea de laisser son regard dériver sur les formes de l’incube alors que ce dernier remettait son pantalon. Il l’avait à peine écouté mais ses paroles finirent par lui arriver au cerveau. « C’est tout ? Je t’annonce que le démon le plus puissant du monde veut ta mort et ta réaction c’est de… bouder ? » Moue moqueuse au bord des lèvres, Oliver s’appuya contre le mur, un genou relevé et les bras croisés sur sa poitrine. Il n’irait nulle part sans son nouveau protégé. « Bien essayé mon gars mais j’suis pas du genre à abandonner les missions qu’on me confie. J’vais pas te lâcher, que ça te plaise ou non. »

C’est à ce moment que quelqu’un tenta d’entrer dans la pièce. Les réflexes aiguisés d’Oliver prirent le dessus et il bloqua les gonds avant qu’ils ne puissent tourner grâce à sa télékinésie. Quelqu’un râlait de l’autre côté de la porte mais la musique sourde rendait ses plaintes inaudibles. « On ne peut pas rester ici. Allons chez toi : on doit déployer un tas de défenses magiques autour de ton appartement ou bien tu risques de ne pas passer la semaine. » La personne qui souhaitait entrer tambourinait à présent contre la porte. Oliver franchit la distance qui le séparait de Dorian et lui tendit la main. « T’habites où ? Je vais nous y emmener. Pas question de ressortir par là-bas. »

Connaissant la serveuse, elle l'avait bien couillonné et un peu de charme aurait pu suffire à lui tirer les vers du nez, elle n'était vraiment pas difficile et lui montrer un semblant d'intérêt suffisait à s'attirer ses bonnes grâces. Un peu comme avec Dorian, l'argent n'était pas nécessaire avec lui et avoir une belle gueule suffisait. Que voulez-vous, il pouvait tenter d'occulter cette part de lui, il avait bien plus de démon du sexe que ce qu'il l'aurait voulu. L'hybride se fit violence pour s'empêcher de sortir une vanne douteuse sur les voies impénétrables, lui qui avaient des voies bien plus que pénétrables en l’occurrence. Il ne connaissait pas grand chose des fondateurs ou des êtres de lumière, n'en ayant jamais rencontré un seul. Après tout, pourquoi aurait-il cherché à le faire ? Il détestait qu'on lui donne des ordres et savait que c'est exactement ce que faisaient ces vieillards célestes : gouverner les créatures magiques comme s'ils étaient les maîtres du monde. Rien que cette pensée suffisait à faire bouillir son sang.

« Rien de tout ça, je ne suis que … moi. » Dorian n'avait vraiment rien de spécial, sa mère n'était qu'une sorcière lambda quant à son père, il devait également être un simple incube du peu qu'il en savait. Il n'avait jamais vraiment cherché à en apprendre plus sur lui, tout ce qu'il connaissait de ce démon c'était qu'il était un incube, un enfoiré qui avait tué sa tante et qu'il avait tué à son tour. Rien de plus, rien de moins et c'était amplement suffisant.

Ce n'est pas la modestie qui allait l'étouffer, son nouvel ange-gardien. Si ça n'avait rien d'un défi, il le prit pourtant de cette façon et comptait bien lui montrer qu'avec lui, il allait en faire des erreurs. Ce serait peut-être une première pour Oliver mais ça finirait par arriver, il le savait. Dorian n'était pas le sorcier le plus facile à vivre qui soit. Il fit claquer sa langue en croisant les bras. « J'boude pas, j'suis fais pour attirer l'attention c'est dans ma nature alors j'accepte le fait d'avoir attiré celle du roi de l'enfer même si pour le coup, je m'en serai bien passé. » Comment pouvait-il réagir à une nouvelle pareille ? Courir se planquer dans un coin ? Foncer dans le tas et l'affronter ? Les deux pouvaient être envisageables. En dehors de sa vie, il n'avait rien à perdre, aucun amis, aucun amour, aucune personne à qui manquer et qui le pleurerait après son départ. Non pas qu'il s'apitoyait sur lui même, cette situation lui convenait. Ne pouvoir compter que sur lui même et n'avoir personne à perdre était à la fois sa plus grande force mais aussi sa plus grande faiblesse.

Oliver n'était pas décidé à le laisser tomber, il en avait de la chance. C'était sûrement pour éviter de ternir sa réputation de parfait petit soldat du ciel. « Je pourrai te contraindre à me fuir, tu sais ? » Mais il n'en avait étrangement pas envie. L'erreur que faisait la plupart des gens étaient de croire que les phéromones d'incube servaient uniquement à attirer à eux leurs proies mais c'était faux, il était en mesure de provoquer le sentiment opposé s'il le désirait. Pour l'heure, il n'avait usé d'aucune des deux facettes de son don, son but n'étant pas de foutre son nouvel être de lumière dans son pieu. Quoique, il ne cracherait pas dessus si l'occasion se présentait à l'avenir.

L'ange usa de ses pouvoirs pour empêcher quelqu'un d'entrer dans la pièce où ils se trouvaient, probablement un client et un employé. L'hybride ne pensa pas une seule seconde qu'il pouvait également s'agir d'un assassin envoyé spécialement pour lui. Ses yeux virés sur la porte que le brun retenait mentalement, il reporta son attention sur l'homme qui proposait, imposait plutôt, de se téléporter chez lui. « Quoi, déjà ? Payes-moi peut-être un verre avant non ? T'as pas envie que tout le monde te voit partir avec moi ? Ça pourrait jaser. » plaisanta-t-il en glissant néanmoins sa main dans la sienne avec un sourire. « Au 514 Ashbury Street mais sois délicat, c'est ma première fois. » rajouta-t-il avec un clin d’œil et un certain amusement dans la voix. C'était en effet la première fois qu'il se téléporterait, il n'en avait encore jamais eu l'occasion malgré que ce soit pourtant très fréquent pour les êtres surnaturels d'utiliser ce genre de moyen de transport.

Le contact rapproché avec Oliver laissa échappé une petite dose de phéromones à son égard sans que Dorian ne s'en rende compte. Comme un pur réflexe qui avait pris temporairement le dessus sur sa volonté. Les deux s'éclipsèrent alors en direction du petit manoir où il résidait et à peine arrivés, que Dorian sentit es nausées arriver et se laissa tomber sur l'un des fauteuils de l'entrée. Clairement, la téléportation c'était pas son truc.

« A l'avenir, tu te téléporteras et je te suivrai en volant. » Loin d'être un moyen de transport aussi discret et rapide que l'éclipse, ça restait bien plus plaisant à ses yeux. Il se releva après quelques secondes et se dirigea vers la salle de bain du rez-de-chaussée pour attraper un t-shirt qui traînait. Il n'avait aucun problème avec son corps ou avec le fait de l'exhiber mais préféra tout de même se vêtir par égard pour Oliver. « Fais comme chez toi. » Lui dit-il en ouvrant l'un des tiroirs d'une commode pour en sortir quelques pages de grimoires déchiraient qu'il avait obtenu de... il ne saurait pas le dire. Il les avait obtenues, c'est tout. « J'suis pas très expérimenté en formules mais devraient bien y avoir un truc là dedans. Sinon je dois aussi avoir des cristaux qui traînent à l'étage mais je sais pas si c'est efficace contre tout type de démons. » Oui il était encore novice en matière de sorcellerie. S'il contrôlait parfaitement ses pouvoirs personnels, ses connaissances n'allaient pas vraiment plus loin.

What is darkness but lurking sun ?

En entendant les sous-entendus douteux de Dorian, Oliver fit mine de lever les yeux au ciel pour tenter de masquer son rictus amusé. Il était le genre d’Être de Lumière d’une efficacité redoutable – sérieux, concentré, professionnel. Jamais il n’avait fraternisé avec ses protégés, qu’il considérait la plupart du temps comme des collègues de travail envers lesquels il se montrait sympathique sans pour autant baisser ses barrières. Il pouvait déjà sentir que Dorian allait représenter un sacré challenge pour ses convictions sur la relation Être de Lumière / protégé.

Adresse en tête, il prit la main de l’hybride et posa son autre main sur son épaule pour sécuriser sa prise. Les deux hommes disparurent dans une nuée bleutée, et réapparurent dans l’entrée de ce qui semblait être un manoir victorien typique des quartiers résidentiels huppés de San Francisco. Pourtant, au lieu de détailler l’architecture des lieux, les yeux d’Oliver étaient rivés sur le visage de Dorian. Quelque chose… quelque chose dans leur contact physique semblait avoir suspendu le temps autour d’eux. Il se perdit un instant dans le bleu profond de ses yeux magnifiques. Dorian… Dorian était spécial, précieux. Voilà pourquoi les Fondateurs l’avaient envoyé. Oliver le protégerait au péril de sa vie s’il le fallait, il en était soudain plus sûr que jamais. Comment pouvait-on laisser courir le moindre danger à ce visage de porcelaine ? A ces lèvres charnues terriblement invitantes ? Avant même que son cerveau ne puisse émettre la moindre pensée rationnelle, il se pencha doucement en avant, prêt à l’embrasser…

…Et Dorian se laissa tomber en arrière sur un fauteuil, l’air pâle, rompant leur contact physique. Rien de tel que la perspective d’une belle nausée pour doucher tout enthousiasme surnaturel. Putains de phéromones. Putains d’incubes. Il poussa un long grognement et recula d’un pas par mesure de sécurité, encore trop secoué par cette perte de contrôle pour verbaliser son mécontentement. Si Dorian n’apprenait pas à retenir son pouvoir de séduction, il allait avoir des ennuis très vite.

Profitant du fait que son protégé disparaisse dans la salle de bain, Oliver fit quelques pas dans le rez-de-chaussée pour se calmer. Il était parti du principe que Dorian habiterait dans un appartement bordélique rempli de sex-toys et autres accessoires salaces... alors la visite rapide de ce Manoir lumineux et bien entretenu avait de quoi surprendre. Se déshabiller pour de l’argent payait apparemment bien les factures – Olivier avait peut-être choisi la mauvaise carrière tout bien considéré ! Dans le salon, sa main s’arrêta sur un petit cadre dont il se saisit : la photo d’un Dorian enfant assis sur les genoux d’une femme qui le couvait du regard. Il réalisa qu’il ne savait toujours rien de son protégé si ce n’était sa propension à faire des allusions sexuelles.

Oliver ouvrit la bouche pour interpeller Dorian et le questionner sur sa famille quand un miroitement dans le coin de son champ de vision attira son attention, et son cerveau mit une seconde de plus à comprendre qu’un démon venait d’apparaitre. Le sorcier s’éclipsa juste à temps pour éviter la boule d’énergie que l’assaillant avait projeté sur lui et réapparut un peu plus loin. Une nouvelle boule d’énergie fusa dans sa direction, mais cette fois il était prêt. Il tendit la main et le projectile s’entoura d’orbes magiques pour en changer la direction : retour à l’envoyeur. Le démon fut projeté contre le mobilier du salon et Oliver se rua sur lui. Il appela à lui un pied de table brisé qui apparut dans sa main et l’enfonça dans la carotide du démon, répandant dans la pièce et sur ses vêtements des giclées d’un sang vert poisseux. Le démon se débattit quelques instants de plus, coincé dans la prise d’Oliver, avant de tomber inerte – vaincu pour de bon.

Oliver se releva et fonça vers le corridor, se laissant guider par la voix de Dorian jusqu’à le trouver penché sur des feuilles cornées. Le souffle court et à moitié couvert de sang verdâtre, il lança ironiquement : « J’ai une mauvaise nouvelle et une autre encore plus mauvaise nouvelle à t’annoncer. Tu veux laquelle en premier ? » Les paroles précédentes de Dorian lui arrivèrent en tête avec un peu de délai et il fronça les sourcils, distrait dans son élan. Sérieusement, c’était tout ce que son protégé possédait en guise de Livre des Ombres ?! « Attends… T’as même pas un grimoire familial ? Ton héritage de sorcier se résume en 10 bouts de parchemin arrachés ?! » Il secoua la tête pour se reconcentrer – les priorités démoniaques d’abord. « On rediscutera de ton manque de culture magique effrayant à la première occasion. Dans l’immédiat, la mauvaise nouvelle d’abord : les démons t’ont retrouvé. Un assassin t’attendait en embuscade dans le salon. »

Oliver prit soin de ne pas laisser glisser le liquide poisseux sur les pages de grimoire, mais quelques gouttes de sang commençaient déjà à se répandre sur le sol. Il secoua la main, dépité, chassant un peu plus de cette saleté qui collait à sa peau. « L’encore plus mauvaise nouvelle : les chasseurs de prime démoniaques se déplacent très rarement en solo… » A peine avait-il fini de prononcer cette phrase qu’une série de miroitements firent vibrer l’air dans la pièce. Trois démons firent leur apparition, eux aussi armés de boules d’énergie. « Qu’est-ce que je disais ?! » s’agaça Oliver en formant un champ de force autour d’eux qui absorba les attaques pour leur laisser le temps de former un plan d’action. Il commençait à mieux comprendre l’insistance de Fondateurs à ce que ce soit Oliver et pas un autre qui veille sur Dorian – les factions démoniaques n’avaient pas lésiné sur les moyens pour abattre l’incube rebelle !  

L'incube releva la tête des feuilles dans lesquelles il s'était plongé et fronça les sourcils en voyant l'homme revenir couvert de sang verdâtre avec en prime deux mauvaises nouvelles. Décidément, cette soirée n'allait pas en s'arrangeant. Foutu pour foutu, les mauvaises nouvelles pleuvaient depuis qu'il l'avait rencontré il n'y a même pas une heure de ça. Il l'avait laissé seul à peine une minute que déjà, les ennuis semblaient pointer le bout de leur nez. Il n'eut pas le temps de répondre qu'il enchaînait déjà avec une remarque sur son héritage de sorcier.

« Les bonnes nouvelles c'est pas ton fort, hein ? » Déjà trois mauvaises nouvelles à la suite, il espérait au moins qu'à l'avenir, il lui en annoncerait au moins une bonne. « Bien sûr que non, j'ai aussi un grimoire mais on ne trouvera rien d'utile dedans fais moi confiance. » ajouta-t-il en levant les yeux au ciel.

Dorian avait conscience de son clair manque d'éducation magique qu'il ne cherchait pourtant pas à étoffer. Un grimoire, bien sûr qu'il en avait un, un vieux livre que sa mère avait entretenue toute sa vie mais il le connaissait par cœur et savait que ses pages ne renfermaient aucun sortilège de protection. Dans sa famille, ils avaient toujours été du genre à foncer dans le tas ou à utiliser des formules majoritairement offensives et c'est pourquoi il n'avait pas pris la peine de le feuilleter ce soir. C'est probablement ce qui avait causé l'éradication de la femme qui l'avait mis au monde ainsi que celle qui avait par la suite repris son éducation : le manque de défense et cette capacité à frapper d'abord pour réfléchir ensuite. Dorian ne dérogeait pas à cette règle puisqu'il réfléchissait rarement avant d'agir, se contentant de laisser ses pulsions guider ses actions.

Trois démons apparurent face à eux comme pour appuyer ce qu'Oliver venait de lui annoncer et ces derniers leur envoyèrent une salve de boules d'énergie qui heurtèrent un champ de force avant même que Dorian n'ait le temps d'en créer un. Heureusement que l'être de lumière avait de bon réflexe parce que si on comptait sur les siens … « J'en ai de la chance, trois démons et un être de lumière rien que pour moi ! » C'était clairement trop pour un petit hybride de rien du tout.

Il entoura de filaments d'énergie l'un des meubles derrière le trio infernal qu'il fit léviter, profitant de la protection que lui offrait son nouvel ange-gardien et projeta ce dernier sur le démon le plus éloigné d'eux avec violence. La commode en bois vola en éclat en mettant le démon au sol et Dorian esquissa un sourire. Un sourire qui ne fut que temporaire quand il pensa au fait qu'il allait devoir remplacer plusieurs meubles à cause de cette attaque. C'est qu'il ne roulait pas sur l'or, malgré ce que pouvait laisser penser son manoir qu'il ne devait qu'à la mort de toute sa famille. Tortiller son cul devant des vieux chiens payait tout juste ses factures et bien souvent, il devait mettre à profit ses autres talents pour boucler ses fins de moi. Une chance pour lui que ses charmes lui permettaient de séduire des mecs plein aux as pour pouvoir se faire plaisir avec leur argent.

D'un léger moulinet du poignet, Dorian matérialisa une boule d'énergie écarlate entre ses doigts qu'il fit grossir suffisamment pour causer de gros dégâts à l'impact, prêt à la lancer contre l'un des assaillants aussitôt que le champ de force de l'angelot s'abaisserait.  En position défensive, il se tourna vers Oliver. « Je chope celui de droite, fais toi l'autre. » En espérant que le dernier au sol ne se relèverait qu'après qu'ils aient éliminés les deux autres.

Lorsque le champ protecteur se dissipa, il envoya le projectile droit sur sa cible qui heurta de plein fouet le mur qu'il traversa jusque dans la cuisine, des débris tombant lourdement sur le sol. « J'ai toujours pensé qu'il fallait une ouverture à cet endroit. » Mais le temps n'était pas à la plaisanterie. Il laissa Oliver s'occuper du second sans remarquer que le démon au sol s'était relevé et sentit une vive douleur au niveau de ses reins. Il tomba au sol en hurlant de douleur, sa main appuyant contre sa blessure dont il sentait le sang couler abondamment.

Ses iris se colorèrent de rouge et il tendit une main en direction de la sous-merde démoniaque. Un faisceau émana de sa paume et se logea dans la poitrine du malheureux qui, après plusieurs secondes d'agonie extrêmement douloureuse, explosa en tapissant les murs de matière visqueuse. Ses yeux reprirent alors leur teinte bleutée alors qu'il restait au sol, à bout de souffle en faisant pression sur la plaie. Tout devenait un peu flou autour de lui et il espérait qu'Oliver s'en sorte mieux que lui. « Un peu d'aide par ici s'il te plait... » Une petite ponction d’énergie à l'un de ces démons lui aurait été bénéfique mais avec un être de lumière à ses côtés, sa blessure ne serait bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Du moins le pensait-il, puisqu'il ignorait que les soins des anges n'avaient pas d'effet sur sa moitié démoniaque.

What is darkness but lurking sun ?

Le chaos s’était invité dans la pièce quand les démons étaient apparus. C’était pourtant avec une certaine fierté qu’Oliver avait pu voir son protégé garder la tête froide et passer à l’action avec une efficacité redoutable. Une commode détruite plus tard, l’Être de Lumière émit un petit sifflet. Il n’avait pas vu un tel déferlement de puissance chez ses protégés depuis bien longtemps. « Je comprends mieux pourquoi les Fondateurs s’intéressent autant à toi. Avec un pouvoir comme le tien… » Il s’interrompit, réalisant à quel point sa pensée était cynique. Aux yeux des Fondateurs, Dorian était sûrement une arme qu’ils souhaitaient pointer dans la bonne direction. Les pièces du puzzle s’assemblaient, et Oliver comprenait pourquoi ils souhaitaient à tout prix empêcher les forces du Mal de lui mettre le grappin dessus. Leurs intentions étaient loin d’être aussi louables qu'il avait pu l'imaginer – Maximus lui devait des explications.

Ses pensées furent rapidement interrompues par le combat qui s’engagea à l’instant où son champ protecteur se dissipa. Oliver tendit les mains vers les débris de la commode pour les faire disparaitre dans une nuée d’orbes et les projeter sur le démon qu’il avait pris pour cible. Doté de réflexes surhumains, le chasseur de prime parvint à éviter chacun de ses projectiles, forçant Oliver à se jeter sur lui pour l’empêcher d’avancer davantage vers un Dorian occupé à détruire un mur de la pièce. Malgré les aptitudes de l’agent secret au combat à mains nues, son ennemi était plus rapide et capable de rendre chacun de ses coups, poussant Oliver dans une position de retrait. « Mais tu vas crever oui ?! » s’exaspéra-t-il en reprenant son souffle. Il sentit alors une douleur sourde dans son dos – douleur qu’il identifia immédiatement comme étant la conséquence psychique d’une blessure subie par son protégé. Il tourna le regard juste à temps pour voir un démon exploser sous les effets du pouvoir de Dorian, et ce dernier au sol en pleine hémorragie.

Oliver sentit son sang se glacer. Face à lui, le démon lui souriait d’un air goguenard. L’hybride tendit les bras pour rassembler son énergie. Répondant à son appel, l’air se mit à vibrer autour du visage du démon, là où ses deux champs de force prenaient forme. Et, poussant un cri guttural, Oliver claqua ses mains l’une contre l’autre : les champs de force suivirent son mouvement, décapitant d’un coup sec sa cible dont la tête alla rouler un peu plus loin, son sourire stupide éternellement figé sur ses traits démoniaques.

La menace éliminée, il se précipita à genoux à côté de Dorian. « Hey, t’inquiète pas, je suis là. C’est aussi à ça que servent les Êtres de Lumière. » Il lui prit une main pour le rassurer et inspira profondément pour tenter de faire le calme en lui. Oliver était bourré de talents : entre ses pouvoirs offensifs, défensifs, et son passé à la CIA, il était la personne parfaite pour les missions les plus risquées des Fondateurs. Mais lorsqu’il s’agissait d’une tâche aussi basique qu’activer ses pouvoirs de guérison… Il était loin d’être le plus qualifié. « Allez Oli… » murmura-t-il pour lui-même, forçant une lueur dorée à prendre naissance au creux de sa paume. Il approcha sa main libre des plaies de Dorian, mais sentit vite qu’il ne faisait que ralentir l’hémorragie, sans cicatriser. C’était comme si le corps de son protégé lui résistait, et il eut envie d’insulter les Fondateurs quand il comprit ce qui se passait. « Ton côté démoniaque… Mon pouvoir ne peut pas l’atteindre. »

Ses yeux parcoururent la pièce à la hâte, à la recherche d’une solution qui ne venait pas. Son dernier espoir était de les éclipser à l’hôpital en espérant qu’aucune caméra de surveillance ne remarquerait leur apparition dans un couloir désert. A moins que… Il serra plus fort la main de Dorian et dégagea avec douceur une mèche collée à son front par la sueur froide. « Je vais tenter quelque chose » dit-il enfin avec un sourire qui se voulait rassurant. « Essaye de ne pas trop m’amocher, d’accord ? » Il se pencha en avant et posa ses lèvres contre celles de Dorian, d’abord timidement, puis dans un baiser plus profond alors qu’il sentait le transfert d’énergie s’activer. Oliver ferma les yeux, submergé par une étrange sensation mêlant désir et plénitude, et glissa dans l’inconscience.  

Rassuré en voyant Oliver à ses côtés, il se détendit enfin en attendant que la magie fasse effet. Ignorant la tête décapité à côté de lui qui le regardait en souriant, il se concentra sur la chaleur qui émana des paumes de l'ange qui tentait de le guérir. La sensation de bien-être fut de courte durée puisqu'une force émanant de lui sembla faire blocage face à la magie angélique. La suite n'en fut que moins rassurante encore. « Super, j'ai plus qu'à mourir alors. » admit-il en riant légèrement après la tentative ratée de guérison, toussant un peu sous l'effet de la douleur en sentant le goût métallique du sang dans sa bouche. Décidément, son côté démoniaque ne lui aura rien épargné jusqu'au bout et serait aussi à l'origine de sa mort. Pourquoi lui avoir assigné un être de lumière si ses pouvoirs de guérison se trouvaient être inutiles ? La logique des Fondateurs l'étonnerait toujours autant. Ca n'avait aucun sens.

A mesure qu'il se sentait partir, sa seule pensée fut de savoir s'il pourrait rejoindre le paradis et sa mère ou si, là encore, l'incube en lui le conduirait droit vers le néant où il se ferait dévorer par le ver qui y résidait et qui réservait un sort des plus sinistres à tous les démons qui atterrissait là-bas. « Non... » parvint-il à dire quand il comprit ce qu'Oliver avait en tête. Un baiser lui permettrait sûrement de guérir mais il savait qu'il ne parviendrait pas à se contrôler cette fois-ci. Il était bien trop affaiblit pour ça et se doutait que ses pulsions et son instinct de survie prendrait le dessus sur son désir de ne pas le ponctionner jusqu'à la mort. Sa supplication ne servit à rien puisque l'ange approcha ses lèvres des siennes sans tenir compte de son avis. A bout de force, il n'eut pas d'autre choix que de se laisser faire sans espoir de le repousser.

Au bout de quelques secondes, il sentit ses forces revenir peu à peu au fur et à mesure que l'énergie de son protecteur infiltrait son être. Envahit par l'excitation du moment et l'appétit insatiable du démon en lui, il se laissa aller et sa main agrippa l'arrière de la tête du brun pour l'attirer un peu plus à lui. Il se redressa légèrement, aspirant toujours plus d'énergie bleutée qui quittait son hôte pour l'envahir. Cette dernière avait un goût très doux et sucré, bien plus que tous ceux qu'il avait eut l'occasion de goûter par le passé et se demanda si cela venait de son côté ange ou d'autre chose.

Ce n'est que lorsqu'il sentit le corps d'Oliver devenir de plus en plus lourd sur le sien qu'il réalisa enfin ce qu'il était entrain de faire. Il retrouva ses esprits et parvint à reprendre le dessus pour s'arrêter juste à temps avant de le vider complètement. Rompant le baiser avec difficulté, il se laissa retomber en arrière, sa blessure complètement cicatrisée et le corps de son être de lumière évanouit sur lui.

« Oliver ? » l'appela t-il, une main appuyant sur son épaule pour essayer de le réveiller. Sans succès. Il y était de toutes évidences allé un peu trop fort mais le brun finirait par se remettre. Dorian le fit basculer doucement sur le sol à côté de lui et se releva pour constater le bordel dans la pièce. Qu'importe, ça passerait en second dans sa liste de priorité. Un coup dans le miroir pour voir que sa blessure était entièrement cicatrisée, il fit léviter son corps jusqu'à l'étage où il le déposa sur un fauteuil avant de lui enlever ses vêtements couverts de tripes de démons. Non, cette fois-ci il n'avait aucune arrières pensées perverses même s'il en profita bien comme il faut pour le mater de haut en bas au passage. Une fois l'être de lumière en sous vêtements, il le transporta jusque dans le lit, le recouvrant d'une couverture en attendant qu'il émerge. Il se baissa et adressa un petit et bref sourire à l'homme qui venait de le sauver en caressant sa joue avant de partir mettre tous les vêtements tâchés de vert dans la machine à laver avec les siens.

Une bonne douche plus tard, il revint dans la chambre avec une pile de vêtements propres laissés par d'anciens partenaires et qui, selon ce qu'il avait jugé devrait lui aller. Il les déposa au pied du lit et s'assit dans un coin en attendant qu'il émerge. De son expérience, ce ne serait plus très long. Les humains s'en remettaient rapidement et son côté magique devrait l'aider à accélérer le processus.

What is darkness but lurking sun?

Oliver sentit un rayon de soleil levant lui caresser la peau et réchauffer son visage. Il ouvrit les yeux en baillant et son regard se posa sur l’un des plus beaux portraits qu’il lui ait été donné d’admirer. Dorian, le torse nu baigné de lumière, lui renvoya son regard. L’Être de Lumière se laissa sourire bêtement. « Hey… » murmura-t-il chaudement en se prélassant dans la douceur enveloppante des draps…

Draps qui n’étaient pas les siens.
Dans une chambre qu’il ne reconnaissait pas.
Quand était-il allé se coucher, d’ailleurs ?!

Oliver se redressa, son sourire béat remplacé par une expression froide alors qu’il faisait le tri dans ses souvenirs. « Hey » dit-il à nouveau, bien plus sèchement cette fois. Il se frotta une fois de plus les yeux alors que la bataille contre les chasseurs de prime lui revenait en mémoire. Il remarqua alors qu’il était torse-nu et se rappela du baiser qu’il avait échangé avec Dorian – pour lui sauver la vie, évidemment, rien de plus. Son dernier souvenir, bien plus nébuleux, n’en était pas vraiment un : il se rappelait s’être laissé engloutir par la force de tous ses désirs les plus inavouables. Et voilà qu’il se réveillait maintenant dans le lit de son protégé. « Est-ce qu’on a… » commença-t-il à demander, confus.

Il souleva la couette et constata qu’il portait encore son boxer. Bien sûr que non, idiot, le réprimanda sa conscience à l’arrière de son crâne. Son soupir soulagé resta pourtant coincé dans sa gorge – pourquoi une partie de lui était-elle aussi déçue ? « Rien. Oublie. » Honteux, il détailla un instant les traits de Dorian, intacts malgré la nuit pleine de rebondissements qu’ils venaient de passer. Il n’y avait plus une trace de sang sur lui, des démons comme de ses propres plaies, intégralement cicatrisées. « Toi ça va mieux ? T’as l’air d’aller mieux en tout cas, c’est bien. C’est le principal. »

Oliver s’extirpa du lit, complexé par son corps quasi-nu face à la beauté de l’incube qui semblait sculpté dans le marbre. La lumière de l’aube lui paraissant maintenant bien trop pâle, apportant un éclairage froid et clinique sur toute sa gêne et ses pensées interdites. Il trouva la pile de vêtements que Dorian avait préparé pour lui et commença à se rhabiller sans poser de question – il fallait qu’il rentre chez lui. Tout, tout plutôt qu’être ici. « Je dois y aller » grommela-t-il en enfilant un pantalon trop grand pour lui. « Récite une formule de protection avant d’aller dormir. Je te ramènerai des cristaux dans la semaine, on les installera autour de la maison pour la rendre plus difficile d’accès aux forces extérieures. »

Le polo qu’il venait de passer était trop petit pour lui, compressant ses épaules et retombant sur son nombril. Oliver croisa son propre regard hagard dans le miroir et s’en trouva d’autant plus pathétique. « Fais attention à toi et méfie-toi de tout le monde à partir de maintenant. La Source veut ta mort et ne s’arrêtera pas à trois chasseurs de prime. » Il chercha ses chaussures et marmonna de façon distraite : « Crie mon nom si tu as besoin de moi, je l’entendrai. » Toujours pieds nus et incapable de supporter les yeux de Dorian sur lui plus longtemps, il abandonna ses recherches et disparut dans une nuée d’orbes bleutés sans lui jeter le moindre regard.