hope you find your dream. (ALEERA&AACE)

Séparer les songes de la réalité. Une tâche complexe pour chaque être humain. Au fond, tout le monde pourrait croire qu’il s’agit uniquement de se pincer pour sentir la douleur, ou encore même de fermer les yeux longuement pour tenter de se réveiller en rouvrant des paupières closes. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de méthode miracle, tout ce qu’il faut, c’est vivre ce qui arrive et vérifier par soi-même. L’empirisme n’a jamais de limite autre que l’imagination. Or, les rêves sont créés par votre imagination, par votre cerveau qui a besoin d’autre chose, de vider ses impressions, ses points de tensions. C’est parce qu’il y a une part d’ombre dans notre esprit que l’on fait des cauchemars d’ailleurs, chaque être normalement constitué possède une part d’ombre, quelque chose de sombre qui pourrait le faire dérailler, le faire basculer, l’inconscient doit se vider, doit… évacuer ce qui lui semble néfaste, d’où les cauchemars. Du moins, c’est ainsi qu’il interprète les choses, mais qu’en sait-il de toute façon ? Ce n’est pas un spécialiste. La preuve en est actuellement d’ailleurs.

Penché sur le bitume, les mains posées sur les genoux et son corps plié en deux à cause de la course qu’il vient de faire, Aace tente de reprendre son souffle et de calmer son rythme cardiaque qui bat des records. La douleur est présente, et il refuse de l’extérioriser sur quelqu’un d’autre, il aurait pu s’éclipser, mais ça n’aurait servit à rien. Quelqu’un est derrière lui, comme si l’on en voulait à sa vie, le modalisateur doit être enlevé, quelqu’un en veut à sa vie. Aace reprend alors sa course, rapidement. Il n’a pas le choix s’il veut rester vivant de toute manière. S’il s’arrête trop longtemps, on le rattrapera. Et comment affronter un ennemi qu’on ne connaît même pas ? Il lui faudrait des informations, de quoi préparer une potion ou un rituel magique. Aace sait qu’il pourrait être beaucoup plus radical. S’il se suicide en utilisant ses dons, l’autre mourra, mais cette fois… il a peur que cela lui arrive aussi étant donné le côté radical de la chose. Et forcément, dans cet endroit… aucun moyen de charger son autre pouvoir. Alors il court, et il tente de réfléchir à un moyen, alors que son cerveau commence à manquer d’oxygène.

Mais il finit par trébucher et sa tête cogne au sol avant qu’une chape de noir s’abatte à nouveau sous ses yeux. Le plongeant dans un état entre deux, à la fois rêve, à la fois réalité. Et il ouvre les paupières, il regarde et la scène qu’il voit lui rappelle douloureusement quelque chose, une réminiscence de sa vie passée.

Son ancienne protégée, Jane, un femme tout à fait charmant, plus ou moins puissante, mais c’était quelqu’un de bien, une personne agréable avec qui il pouvait converser des heures durant. Mais il sait très bien ce qui va se passer. Un démon supérieur, un des assassins de la Source va arriver, va la poignarder. Du sang coulera de la bouche de Jane, elle portera ses mains à la plaie béante et elle tombera à genoux en toussant du liquide vermeil.

Mais Aace ne peut pas savoir tout cela, il n’était même pas présent. Il est arrivé trop tard, parce qu’il ne pouvait pas s’éclipser assez rapidement. Ces images, c’est ce qu’il imagine, ce qui a dû se produire alors que sa protégée avait besoin de lui. Il regarde Jane. Il voudrait pouvoir se précipiter à ses côtés, la soigner, faire en sorte qu’elle vive, parce que tout le reste n’arriverait pas si jamais il y parvient. Il regarde impuissant, ses jambes refusent de se mouvoir, comme si quelque chose bloquait leur usage. Une larme roule sur ses joues creusées, vient se perdre dans sa barbe brune tandis qu’il serre les dents avec rage.

Dans les profondeurs des Enfers, l'augure démoniaque se tenait près de son bassin divinatoire, accroupie et penchée vers les eaux lumineuses de sa caverne solitaire dont elle interprétait un avenir encore incertain grâce à l'hydromancie. Voila plusieurs lunes que la Prophétesse était troublée par des visions dont elle ne saisissait pas encore parfaitement le sens caché, se redressant alors pour s'approcher de son autel où trônait au milieu de chandelles noires son grimoire. Ses yeux se mirent alors à devenir blancs et lumineux, se plongeant dans le présent pour voir où se trouvait l'hybride qu'elle recherchait. Elle pouvait le voir dans son lit, endormi, en proie à des rêves qui lui laissait une porte d'entrée pour accomplir ses sombres desseins. Un sourire malveillant vint alors illuminer son visage, se téléportant dans un scintillement pour apparaître quelques secondes plus tard près de Aace plongé dans un sommeil qu'elle viendrait bientôt perturber. La démone contourna alors le lit et alla s'asseoir à son chevet, l'observant dormir d'une façon malsaine avant de venir poser délicatement ses mains sur les tempes du déchu pour déclencher une prémonition astrale qui enverrait leurs consciences dans les souvenirs traumatiques de sa victime.

Aleera se trouvait debout dans un coin de la ruelle, apparaissant astralement dans ce souvenir qu'elle connaissait que trop bien pour en être une des causes. Elle se souvenait très bien de pourquoi elle avait ordonné l'assassinat de Jane, faisant ce jour là d'une pierre deux coups contre les bénéfiques. Aace se trouvait paralyser par ses émotions, complètement figé et incapable d'intervenir face à l'horreur tandis qu'elle s'avançait, se glissant derrière l'homme comme un serpent, en posant une main sur son épaule. « Douloureux n'est-ce pas ? De se retrouver impuissant face à ses propres échecs passés. » La Prophétesse venait de murmurer à l'oreille de l'être de lumière déchu, venant cueillir sur sa joue cette larme de colère pour l'apporter ensuite à sa bouche. Paupières closes, appréciant beaucoup le goût amer d'un deuil encore bien trop frais. « Je t'ai dit que nous allions nous revoir ... » Elle le contourna ensuite, soulevant les pans de sa longue robe de velours pourpre pour marcher jusqu'au cadavre de Jane qui venait de terminer d'agoniser. « Il aurait suffit de quelques minutes seulement pour que tu puisses la sauver mais à quoi bon ? Sa mort t'auras au moins permis d'envisager un autre chemin ... Ne souhaiterais-tu pas te débarrasser de ces fantômes qui te hantent ? Vivre une vie sans te soucier des conséquences ? » La Prophétesse souriait en laissant le corps inerte derrière elle tout en s'avançant vers sa victime pour lui faire face. Ce n'était pas qu'un rêve, il pouvait désormais s'en rendre compte, se mouver et c'était bien la Prophétesse qui le faisait voyager astralement dans le passé, au cœur même d'une prémonition qui ne prendrait fin que lorsqu'elle aura finalement obtenu ce qu'elle voulait: semer le doute dans son esprit déjà corrodé par des regrets.

« Ton aura n'est plus aussi lumineuse qu'autrefois bel ange déchu. Tu luttes contre ta véritable nature, cet héritage magique que tu devrais célébrer au lieu de réfréner. Souviens toi de ce jour où tu as massacré ces innocents ... Cette rage salvatrice que tu as ressenti. » D'un geste de la main, le souvenir de Jane s'effaça tandis qu'ils se téléportaient astralement dans le passé de Aace, revivant alors ce jour où il avait perdu pied. Spectateurs de la scène, elle souriait, prenant plaisir à le voir massacrer ces innocents. « Tu as aimé ça on dirait. Tu t'épuises tellement à vouloir être quelqu'un d'autre alors que tu pourrais simplement être toi-même ... Si tu le désires, je peux te montrer une perspective d'avenir. Une existence où tu es aimé pour qui tu es et pas rejeté par des Fondateurs qui ont peur de ton véritable potentiel. » Seul embrasser le mal pourrait le libérer, elle percevait cette pointe de noirceur chez le sorcier et elle comptait bien l'exploiter pour le faire douter et mieux le manipuler.

Aace ne comprend pas pourquoi il ne peut pas se mouvoir, pourquoi ses jambes restent obstinément clouées au sol. Ses réflexes angéliques le poussent ardemment vers Jane, vers sa protégée, mais il ne peut faire le moindre geste, comme si l’on le forçait à assister, en tant que simple spectateur face à ce spectacle déchirant. La sorcière a besoin de lui, elle avait besoin de son aide, et lui, ne peut pas se déplacer, ne peut pas accourir à son secours. Une marionnette. C’est cette impression qu’il a, comme s’il était réellement une poupée vaudou, ce qu’il semble être au final.

Une main se pose sur son épaule, délicatement violente, lui voudrait tourner la tête, mais toujours bloqué, il ne peut que regarder et ne rien faire, parasite de cette scène qu’il n’aurait jamais dû voir, qu’il n’a jamais vu d’ailleurs.

– Douloureux n'est-ce pas ? De se retrouver impuissant face à ses propres échecs passés.

Un murmure au creux de son oreille, puis un doigt fin qui vient attraper sa larme. Il pince les lèvres, la voix lui est familière, la voix lui semble trop similaire à un fantôme de son passé.

– Je t'ai dit que nous allions nous revoir…

L’augure. Cette femme affreuse qu’il sait être responsable du meurtre de Jane. Un courant électrique lui lacère l’échine, lui donne envie de fuir et de ne plus jamais se retourner, de ne plus penser à tous les échecs de sa vie d’antan et qu’ils sont nombreux…

Elle avance vers le corps sanguinolent, se penche vers lui, sa robe noire faisant des volutes à chacun de ses pas. La prophétesse de la Source, une entité démoniaque qu’il aurait rêvé de pouvoir éliminer, mais c’était vain, il ne le pouvait pas, il n’en avait pas le pouvoir.

– Il aurait suffit de quelques minutes seulement pour que tu puisses la sauver mais à quoi bon ? Sa mort t'auras au moins permis d'envisager un autre chemin... Ne souhaiterais-tu pas te débarrasser de ces fantômes qui te hantent ? Vivre une vie sans te soucier des conséquences ?

Il aimerait parler. Aace aurait voulu lui hurler qu’elle faisait fausse route, qu’il était entièrement dévoué à la lumière des Fondateurs, au bien qu’il sait couler dans ses veines. Mais au fond de lui, un doute a toujours existé. Est-il réellement un être bon ? Ses pouvoirs découlent d’une sorcellerie noire, et il sait qu’elle a raison, il veut cette vie-là, mais il l’a toujours refusée.

La démone s’avance alors vers lui, un sourire carnassier au visage, elle lui fait face, elle le regarde et il peut enfin se déplacer, alors un pas de recul est fait, parce qu’il veut s’éloigner d’elle et de son aura tentatrice, de sa violence intérieure qui hurle en lui, qui trouve écho dans les fêlures de son âme.

– Ton aura n'est plus aussi lumineuse qu'autrefois bel ange déchu. Tu luttes contre ta véritable nature, cet héritage magique que tu devrais célébrer au lieu de réfréner. Souviens toi de ce jour où tu as massacré ces innocents... Cette rage salvatrice que tu as ressenti, et elle fait un mouvement de la main qui déclenche de nouvelles images.

Il se retrouve à nouveau dans un autre endroit, et il sait qu’il y est physiquement, parce qu’il agit, parce qu’il n’est plus spectateur, mais acteur de cette boucherie. Son couteau à la main, il fait face à un démon, il le regarde tandis qu’il tourmente et violente des innocents. Aace se prépare et rapidement, la lame de son arme blanche vient trancher sa propre gorge et au lieu que son sang ne coule, c’est celui des pauvres âmes en peines, leurs gorgées lacérée et ce liquide vermeille qui se déverse dans cette rue. Il hurle, et le démon se met à rire, et la prophétesse vient lui susurrer de nouveaux mots à l’oreille.

– Tu as aimé ça on dirait. Tu t'épuises tellement à vouloir être quelqu'un d'autre alors que tu pourrais simplement être toi-même... Si tu le désires, je peux te montrer une perspective d'avenir. Une existence où tu es aimé pour qui tu es et pas rejeté par des Fondateurs qui ont peur de ton véritable potentiel.

Il regarde cette femme, celle qui le tourmente, et son visage fermé vient répondre au sourire narquois qui habite le sien. La prophétesse sait ce qui le blesse, la prophétesse a raison, il y a un potentiel en lui, quelque chose de destructeur, mais il se ferme à cette douleur, à cette violence qu’il voudrait pouvoir laisser chanter et hurler dans les nuits les plus profondes.

– Je ne veux pas de ça, démone. Je n’ai jamais voulu tout ça.

Ses mots sont rauques, sa voix éraillée et il voudrait trouver la force de l’affronter, de lui envoyer cette chape de violence, retourner ses dons démoniaques contre elle. Et il n’y parvient pas, non pas parce qu’il ne peut pas le faire, mais parce qu’il n’en a pas non plus envie. Au fond de lui, même s’il dit le contraire, Aace voudrait voir ce dont il est capable, il aimerait pouvoir contempler l’avènement d’une ère plus sombre, menée par ses soins, parce que si la lumière est toujours puissante en lui, l’ombre gagne en intensité, et elle menace de le faire sombrer, un peu plus. Non ; beaucoup plus.

Aleera se tenait dans l'ombre de l'hybride, se nourissant de sa propre detresse en contemplant les échecs passés. Elle éprouvait une sorte d'empathie malsaine, serpentant autour de l'homme comme un prédateur autour de sa proie avant de finalement se tenir face à lui. Un fin de sourire diabolique sur ses lippes carminées, ses iris parmes dansaient entre les corps de ces innocents et celui de cette conscience piégée dans cette prémonition astrale. Après avoir vécu six siècles, elle avait vu passer des guerres, des déluges et assistée à la chute de civilisations qui s'étaient reconstruites sur les cendres des plus surannées. Et pourtant il y avait une chose qui ne changeait pas à travers les âges — la complexité des émotions. De part son hybridation, elle possédait une part d'humanité que le temps avait fini par entomber. Elle n'éprouvait plus grand chose la Prophétesse mais elle se délectait encore et toujours face à la misère d'autrui. Peut-être qu'elle aurait pu choisir un autre chemin, embrasser son héritage sorcier mais ses visions lui avaient montré un avenir plus fortuné du côté des ténèbres. Et c'était ce qu'elle voyait pour Aace, l'observant lutter contre ses instincts noirs pour briller faiblement à l'ombre d'une existence où il avait été exilé par ses paires. Peut-être qu'elle aurait pu éprouver un peu de sympathie pour lui, mais l'augure n'avait de pitié pour personne.

Pensive un instant après le refus du sorcier, elle s'était attendue à ce qu'il oppose une certaine résistance. Mais la graine du mal avait été plantée et un jour il croquerait à pleine dents dans la pomme de discorde. Légèrement amusée par la résilience de l'homme, elle se mit à léviter pour s'asseoir sur un muret afin de la dominer, jambes croisées, scandaleusement et sombrement belle dans toute sa monstruosité. « Mensonges ... Regarde avec quelle brutalité tu as pris ces vies ? Il faut vraiment le vouloir pour causer autant de mal. Ce n'est pas pour rien que ces idiots ... » Elle marqua une pause, les yeux levés vers les cieux en parlant des Fondateurs avant de reprendre sur un ton posé. « T'ont puni. Ils pressentent autant que moi le danger que tu représentes pour les autres mais aussi pour toi-même. » La seule chose que respectait la Prophétesse c'était l'équilibre et le grand dessein. Elle n'allait jamais à l'encontre de ses visions et les siennes n'arrêtaient pas de lui montrer un futur sombre pour Aace. Mais l'avenir n'était jamais vraiment clair, tout n'était que probabilités et l'hybride demeurait libre de son destin. Elle désirait tout simplement lui montrer un chemin où il pourrait enfin s'épanouir sans se soucier des conséquences.

D'un nouveau geste de la main, ils furent projetés dans dans un avenir hypothétique. Aace se retrouvait dans le corps de son futur lui, couché sur un luxueux lit avec un bel homme encore endormi à ses côtés. « Ton cœur rêve autant de guerre que d'amour. Dans ce futur tu diriges ton propre coven maléfique. Ton héritage vaudou est célébré et tu es autant craint que respecté. » L'homme endormi avait le visage légèrement flouté, cette vision n'était pas vraiment encore sur le point de réellement exister tandis qu'il s'évaporait pour le laisser seul dans le lit. « Je n'ai jamais croisé d'aura aussi triste que la tienne. Tout ton être hurle à la solitude et ton âme cherche désespérément sa moitié. Pas besoin d'être voyante pour savoir que si tu t'obstines à vouloir être quelqu'un que tu n'es pas, tu finiras vaincu ou pire — seul. » Au delà du bien et du mal, la Prophétesse ne voyait que la vérité et elle espérait que celle-ci le pousse de nouveau à vouloir embrasser ses instincts sombres pour enfin se libérer.